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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

rez autour de l’étang ; peut-être aussi les ferez-vous partir dans les joncs, et Grélu vous les rapportera, car il va très bien à l’eau… Pourvu, ajouta-il en détachant la laisse, que ce sot animal consente à chasser avec vous, et n’aille pas retronver son maître à Puy-Néré… Il est tout triste et hargneux aujourd’hui, et vraiment on le croirait malade.

En même temps il observait Grélu, afin de s’assurer si le chien ne chercherait pas à s’enfuir ; mais Grélu ne parut pas y songer. Abandonné à lui-même, il fit quelques bonds en avant, sans toutefois aboyer ; puis il se mit à parcourir de grands cercles, la gueule ouverte et écumante. Cransac et kaymond crurent qu’il chassait déjà.

— À la bonne heure, dit le vicomte ; eh bien, mon cher Fleuriot, je vous rends votre liberté et je vais bien employer la mienne, je l’espère. Vous me rejoindrez quand il vous plaira. De là-bas vous pourrez me voir en chassé…, et vous m’entendrez aussi.

— À bientôt donc, monsieur le vicomte, et bon succès ! Fleuriot toucha la visière de sa casquette, et se dirigea d’un pas rapide vers la maison isolée, en côtoyant l’étang. Il avait hâte, en effet, de se trouver seul ; quelques paroles échappées à Hector avaient bouleversé l’esprit du pauvre garçon.

Elle est indépendante et maîtresse absolue de son choix, se disait-il en lui-même ; on prétend que son premier mariage n’a pas été heureux, et si, cette fois, elle était résolue à ne prendre conseil que de son cœur… Oui, mais ne me trompé-je pas sur la valeur de certains signes, de certains regards que j’ai audacieusement interprétés dans un sens trop favorable ? Ces grandes dames ont des manières flatteuses, caressantes, familières envers tous ceux qui les approchent, car elles se croient trop haut placées pour que l’on ait la pensée d’en abuser… Sans doute celle-ci, par désœuvrement, a voulu tourner la tête au premier qui s’est présenté, et j’ai l’honneur, moi qui suis si peu de