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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

mon brave Fleuriot ; mais soit, je ne veux pas violenter votre confiance… Sachez bien pourtant que ce n’est pas une curiosité stérile qui, comme on vous l’a dit déjà, me fait désirer de connaître vos affaires ; je ne cherche qu’un moyen de vous être utile, s’il est possible… J’ai rempli moi-même autrefois des fonctions publiques, j’ai de nombreux et puissants amis dans diverses branches de l’administration, et il me sera facile, quand je retournerai à Paris…

— Quoi ! monsieur le vicomte, demanda Raymond avec chaleur, n’avez-vous pas l’intention de vous fixer parmi nous ?

Peut-être ! cela dépendra de Fanny… Quand même je serais disposé pour mon compte à me faire ermite, je ne peux espérer que la marquise, habituée à la vie mondaine, s’enterre ainsi dans une campagne.

— Cependant madame de Grangeret paraît se plaire beaucoup à Puy-Néré ?

— Oui, oui, tout ce qui est nouveau est beau ; mais quand la réaction viendra… Du reste, elle est indépendante par position et par caractère ; quelque parti qu’elle prenne, il me faudra céder à ses volontés.

Fleuriot ne répliqua rien et devint rêveur ; évidemment les paroles de Cransac l’avaient troublé. Cransac lui-même sembla s’en apercevoir, et une expression narquoise passa sur son visage. Ils marchèrent quelques instants en silence.

— Revenons à vous, mon cher Fleuriot, reprit enfin le vicomte d’un ton dégagé ; ah çà ; vous n’avez donc aucune ambition ?

— Je n’en ai peut-être que trop, au contraire, répliqua Raymond avec un nouveau soupir.

— L’ambition est un excellent mobile, qui conduit souvent au succès. Si l’on pouvait connaitre le but auquel vous aspirez…

— Ce but est insaisissable, répliqua Fleuriot avec une sorte de brusquerie ; merci encore une fois pour vos bonnes