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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

forme, dont le devant était orné d’un petit télégraphe en drap rouge. Il trainait par une laisse le chien de Morisset, qu’on appelait Grélu, et qui, malgré sa taille exiguë, semblait résumer en lui toutes les races connues de chiens de chasse. Grélu manifestait une certaine répugnance à le suivre, et retournait fréquemment la tête, comme s’il eût voulu rejoindre son maître. Parfois il mordait la corde qui l’entraînait ; mais, obligé de céder à une force supérieure, il se remettait en marche, d’un air morne et abattu qui contrastait avec sa gaieté et sa vivacité ordinaire en pareille circonstance.

Quand on passa devant la maison habitée par la famille Fleuriot, Lucile, qui était dans une salle du rez-de-chaussée, entourée d’une vingtaine de petits enfants, s’approcha de la fenêtre pour adresser un mot amical à son frère et saluer Cransac.

— Bonne chasse, messieurs ! s’écria-t-elle. Ah ! mon sieur le vicomte, ne verrai-je pas madame la marquise au jourd’hui ?

— Hum ! je ne devrais pas le dire, répliqua Cransac avec gaieté et en prenant un air mystérieux ; mais ma sœur, qui de son autorité privée s’est établie inspectrice générale de votre école, a conçu le projet de tomber ici à l’improviste pendant la journée ; elle aura ses poches pleines de bonbons et d’images dorées, afin de récompenser ceux qui seront sages… Qu’on me garde le secret, ou je serai battu ; mais qu’on fasse son profit de l’avertissement… Adieu, mademoiselle Lucile !

Et il partit en riant, sans s’inquiéter de l’agitation extraordinaire produite dans l’école par cette nouvelle. Hélas ! les pauvres enfants qui étaient réunis là avaient rarement l’occasion de recevoir des bonbons et des images dorées en récompense de leur sagesse !

Bientôt Cransac et Fleuriot se trouvèrent au milieu des landes qui avoisinaient Puy-Néré. Le gibier qu’il s’agissait