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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

taine hauteur ; je n’ai besoin de rien ; je ne souhaite, je ne demande rien.

Fanny ne se montra pas offensée de cette rudesse.

— Allons ! dit-elle en souriant, je me suis trop pressée d’offrir nos bons offices ; la confiance viendra plus tard, quand M. Fleuriot nous connaîtra mieux… Eh bien ! Hector, poursuivit-elle en se tournant vers le vicomte, nous avons assez vu, je crois, la belle perspective dont on jouit d’ici, et il est temps de rentrer à cette triste maison… qu’on s’obstine à appeler château.

— Je suis à vos ordres, ma chère, d’autant plus que nous dérangeons M. Fleuriot… Mais, par le ciel ! qu’est-ce ci ? ajouta le vicomte d’un ton différent, avec un mélange d’étonnement et de colère.

Un coup de fusil avait résonné dans la plaine, à quelques centaines de pas de la tour. Cransac s’approcha du parapet, suivi de Fanny et de Raymond lui-même, et on aperçut un chasseur qui venait de tirer un lièvre au milieu des bruyères. La fumée de l’explosion faisait un léger nuage, et un petit chien essayait de porter le gibier mort, tandis que le chasseur l’encourageait du geste et de la voix.

— Morbleu ! dit le vicomte avec une colère croissante, je voudrais bien savoir qui se permet ainsi de chasser sur mes terres sans ma permission ! Moi aussi je suis chasseur ; et si mes domaines sont stériles, j’espérais du moins qu’ils seraient abondants en gibier… J’aurai raison de cet insolent, s’il se trouve un garde ou un gendarme à trois lieues à la ronde !

— C’est mon camarade Morisset, qui va prendre le service tout à l’heure, dit Fleuriot avec douceur, et en attendant il fait l’ouverture de la chasse.

— Eh ! que ne la fait-il chez lui ?

— Si Morisset ne pouvait chasser sur les terres d’autrui, il ne chasserait pas du tout… Soyez indulgent, mon sieur le vicomte ; mon camarade est passionné pour la