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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

vrage… Bascoux est sujet à caution ; il serait capable de commettre quelque bévue.

Et il rentra dans la maisonnette du télégraphe.

Hector et Fanny, placés dans l’embrasure d’un créneau, promenèrent un moment leurs regards sur la plaine immense qui s’étendait au-dessous d’eux ; mais ils ne s’occupaient guère d’en admirer les beautés pittoresques.

— Ce Fleuriot est un véritable hérisson, dit le vicomte à voix basse ; on ne sait comment le prendre. Nous n’arriverons à rien avec ce grossier caporal… En revanche sa sœur est une très-jolie fillette et fort avenante.

— Bon ! une petite niaise, répliqua Fanny dédaigneusement ; une rosière de village… Quant à ce jeune homme, malgré son léger défaut dans la marche, je ne le trouve pas mal. Une figure martiale et expressive, des yeux vifs, des dents superbes ; et, quoi que vous en disiez, il ne me paraît pas si difficile à apprivoiser.

— Oh ! vous, Fanny, vous ne doutez de rien.

— C’est que je connais mon pouvoir… Ce M. Raymond Fleuriot m’a regardée avec une certaine attention… Et peut-être déjà se repent-il de sa sauvagerie.

Comme elle achevait ces mots, la porte de la cabane se rouvrit. Le télégraphe venait de s’arrêter, et la transmission des dépêches éprouvait encore une intermittence. Raymond Fleuriot, cédant à quelque sentiment dont peut-être il n’avait pas nettement conscience, reparut sur la plate-forme. S’approchant du vicomte et de sa compagne, il leur dit avec une sorte de confusion :

— Je vous ai quittés bien brusquement, tout à l’heure. Il ne faut pas m’en vouloir ; quand le devoir commande… On est sévère pour nous autres, et la moindre infraction au service peut nous faire perdre notre place.

— Vous êtes tout excusé, monsieur Fleuriot, répliqua le vicomte avec une feinte bonhomie ; je m’explique sans peine