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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

tre se trouvait la machine, qui, au moyen d’une manivelle de deux cordes et de deux poulies, faisait exécuter les mouvements les plus compliqués au télégraphe, placé extérieurement sur le toit. Une longue-vue encastrée à demeure dans la muraille était braquée sur le poste du côté de Paris ; une seconde lunette, fixée de la même manière, visait le poste du côté de Bordeaux. Le mobilier consistait en une petite table, sur laquelle on voyait un registre destiné à l’inscription des signaux, en deux tabourets de bois et en un modeste poêle de fonte, fort nécessaire à cette élévation pendant l’hiver. La lumière arrivait par une lucarne vitrée et par la porte, qu’on laissait volontiers entr’ouverte.

Trois personnes étaient réunies en ce moment dans cet étroit espace : l’employé principal, en train de déjeuner d’une soupe aux choux que sa sœur, grande et belle jeune fille, venait de lui apporter du village ; puis un garçon en blouse et en sabots, âgé de seize ou dix-sept ans au plus, qui remplissait les fonctions de surnuméraire dans l’administration télégraphique.

Il était neuf heures environ, et le jour, très-clair, semblait favoriser le passage des dépêches ; mais sans doute, sur quelque point de la ligne, le brouillard ou un obstacle quelconque empêchait la transmission des signaux, car le télégraphe qui commandait celui de la tour Verte demeurait immobile à l’horizon, ses deux indicateurs abaissés, comme un homme fatigué qui laisse tomber ses bras. Toutefois il ne fallait pas se fier à ce calme trompeur ; d’un moment à l’autre les bras immobiles pouvaient se remettre en jeu, et il importait de les guetter sans relâche. C’était la besogne de Jean Bascoux, le surnuméraire ; et, pendant que son supérieur déjeunait, Bascoux appliquait de temps en temps l’œil à la lunette de Paris, ce qui néanmoins ne l’empêchait pas de prêter l’oreille à la conversation du frère et de la seur.

Raymond Fleuriot, l’employé principal, semblait avoir