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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

ses lézardes et l’enveloppait si bien de la base à la cime que le télégraphe de Puy-Néré était désigné vulgairement sous le nom de « télégraphe de la tour Verte. »

Du pied de cette ruine on dominait le triste paysage qui s’étendait à perte de vue dans toutes les directions. À cette époque, où le drainage et les plantations de pins étaient encore inconnus, cette plaine ne produisait que des ajoncs, des bruyères et quelques arbustes rabougris ; de larges flaques d’eau stagnante se détachaient de distance en distance sur la verdure grisâtre de la lande. L’œil y découvrait fort peu de villages ; seulement quelques chetives cabanes, dont les habitants étaient décimés par la fièvre ou la mal’aria, se montraient parfois dans un pli de terrain, avec leur maigre enclos, avec leur petit champ de maïs ou de pommes de terre. Le reste du sol était en friche et servait de pâturage à des moutons chétifs, rogneux, dont on ne voulait à aucun prix sur le marché des pays plus favorisés. Même par les plus beaux jours, une sorte de brume blanchâtre pesait sur cette nature désolée et confondait les plans infinis qui s’étendaient jusqu’aux limites de l’horizon.

Sur la colline même qui portait la tour Verte l’aspect était plus varié et moins affligeant. Douze ou quinze habitations se groupaient sur le versant méridional et formaient un village. Un peu à l’écart, on voyait une maison assez vaste, affectant, avec ses girouettes rouillées, des allures de château, et flanquée de terrasses sur lesquelles s’élevaient des massifs d’arbres touffus. C’était ce qu’on appelait alors : « le château neuf de Puy-Néré, » et cette habitation avait été occupée longtemps, disait-on, par la fa mille des anciens seigneurs du pays.

Par malheur, le château neuf se trouvait lui-même dans un état de délabrement qui différait peu de celui de la tour Verte. Ses anciens propriétaires, étant très-pauvres, n’avaient pu y faire les réparations les plus urgentes, et,