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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

milieu, de la campagne, passaient les journées à répéter mécaniquement des signaux. Nulle distraction ne leur était permise à l’heure du travail. Les règlements interdisaient de la façon la plus sévère à qui que ce fût l’entrée du bureau télégraphique. Cette prescription, nous devons l’avouer, n’était pas toujours observée bien rigoureusement dans les postes campagnards ; mais l’employé n’en demeurait pas moins astreint à une ponctualité extrême. Son absence, ne fût-elle que de quelques minutes, arrêtait tout ; une légère distraction de sa part causait les erreurs les plus graves dans la transmission des dépêches. Le moindre bruit qui montait de la plaine, le cri de l’hirondelle qui se jouait autour du poste aérien, pouvait lui faire commettre quelque omission irréparable, lui mériter une verte réprimande ; et quand le pauvre employé, après ces longues heures de fatigue, redescendait à son humble logis, il lui fallait souvent, comme nous l’avons dit, se livrer à un nouveau labeur non moins rude pour subvenir aux besoins de sa famille.

C’est sur un poste de ce genre que nous allons fixer particulièrement l’attention de nos lecteurs. Il était situé au milieu des sables et des marais qui environnent Barbezieux, dans la Charente, et qui semblent être les avant-coureurs des grandes landes de Bordeaux. Dans ce pays stérile, les collines sont rares et peu élevées. Aussi avait on profité du seul monticule qui se trouvât à plusieurs lieues à la ronde pour y établir le poste du télégraphe, et on avait installé la machine au sommet d’une vieille tour en ruines, reste d’un château fort qui avait eu autrefois une certaine importance. De ce château, qu’on appelait Puy-Néré, il n’existait plus que la tour dont nous parlons et quelques grosses pierres moussues éparses sur le sommet de la colline ; encore la tour était-elle fendue du haut en bas et penchait d’un côté, menaçant les curieux d’une chute prochaine. Mais une couche épaisse de lierre cachait