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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

s’appliquaient à l’exécuter avec promptitude et précision ; puis, quand ils l’avaient vu répéter par le télégraphe suivant, ils en expédiaient un nouveau, et ainsi de suite jusqu’à la fin de la dépêche. De l’intérieur de la tour, on manœuvrait avec facilité, au moyen d’un mécanisme ingénieux, la machine placée au dehors et qui en reproduisait tous les mouvements. Bien que la télégraphie électrique, cette jeune et triomphante rivale de la télégraphie aérienne, nous ait habitués à ses miracles de vitesse, il ne faut pourtant pas mépriser les services que rendait la machine des frères Chappe. Les nouvelles se rendaient de Paris à Calais en trois minutes par trente-trois télégraphes, à Lille en deux minutes, à Strasbourg en six minutes et demie, enfin à Brest en huit minutes, par cinquante-quatre télégraphes, et à Toulon en vingt minutes, par cent télégraphes[1].

On comprend ce qu’il fallait d’assiduité et d’exactitude aux nombreux fonctionnaires cantonnés sur chaque ligne pour reproduire sans hésitation et sans erreur des manœuvres qui exigeaient tant de soins. Tous les jours, hiver comme été, ils devaient être à leur poste un quart d’heure avant le lever du soleil, et, tant que le jour durait, se tenir prêts à servir la machine, à moins que la pluie, les brouillards ou un accident arrivé à une station intermédiaire ne leur créât des loisirs. Il y avait d’ordinaire deux employés à chaque station ; ils étaient de garde alternativement de midi jusqu’au soir et le lendemain jusqu’à midi. Comme ils n’avaient qu’une rétribution modeste (un franc vingt-cinq centimes ou un franc cinquante centimes par jour), ils exerçaient pour la plupart une autre profession dans les intervalles d’inaction que leur laissait le service.

Toutefois ce devait être une rude et triste existence que celle de ces hommes qui, postés au sommet d’une tour, sur la plate-forme d’un clocher ou dans une station solitaire au

  1. Louis Figuier. Découvertes scientifiques, tome II.