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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

tion nouvelle, et jusqu’à la possession de ce domaine qu’on venait de lui concéder, et qui, malgré son vil prix, lui per mettrait encore de dire « ma terre et mon château, » tout réveillait son orgueil, ranimait ses espérances, faisait passer devant ses yeux les plus éblouissantes visions. Aussi était-il radieux quand il rentra à la villa, et sautant à bas du tilbury, il s’empressa de monter au salon, où il espérait trouver Fanny.

La jeune femme s’y trouvait, en effet ; elle était mainte nant en grande toilette et se disposait à sortir.

— Allons ! ma chère, cria Hector en jetant sur la table la liasse de billets de banque qu’il avait reçue de Colman, de la joie ! J’apporte la fortune… Au diable le spleen et les papillons noirs ! Dans quelques jours, je vous emmène d’ici pour vous faire dame châtelaine, et on vous procurera dans votre manoir des occupations qui seront de votre goût, belle ennuyée !

Puis il se mit à lui exposer tout d’une haleine le projet pour lequel on réclamait : son concours. À mesure qu’il parlait, Fanny devenait souriante.

— Autant cette distraction qu’une autre, répliquat-elle, pourvu que je quitte cette insupportable ville, je puis tout prendre en patience, même la vie de châtelaine dans un trou de campagne, même la coquetterie forcée avec un rustre… Mais voyons, Hector, ajouta-t-elle en minaudant, songez-vous à quoi vous m’exposez lorsque vous m’assignez un pareil rôle ?… Vous n’êtes donc pas jaloux ?

— Bon ! dit le vicomte avec gaieté, si vous prenez trop au sérieux votre rôle de coquette, je trouverai bien par là quelque jolie rustresse pour me venger de vous… Tenez-vous pour avertie !