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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

Bordeaux. Rien ne vous empêchera de faire chaque jour vos observations au télégraphe et de m’en envoyer le résultat par un pigeon messager ; ce sera seulement un retard d’une demi-heure… J’ai ici une excellente race de pigeons, qui m’ont rendu plus d’un service de ce genre, et j’en mettrai un certain nombre à votre disposition.

— Vous pensez à tout et vous avez réponse à tout… Mais quand partirai-je ?

— Pas avant huit ou dix jours. Dans votre intérêt même, Cransac, il faut que je vous prépare convenablement les voies ; et puis je n’entends pas que votre charmanie compagne souffre là-bas dans son bien-être et dans ses habitudes élégantes, si elle consent à nous prêter son aide.

— Oh ! elle consentira, je m’en porte garant. Il faudra bien qu’elle consente !

— Et pour la décider, ajouta le spéculateur de son ton le plus aimable, annoncez-lui que j’ai acheté à un capitaine de navire qui revient de l’Inde un lot de cachemires dont on dit merveille. Je lui serai reconnaissant de vouloir bien venir en choisir une douzaine ou deux, avant que je me débarrasse de cette précieuse marchandise… Vous me permettrez bien d’offrir quelques cachemires à votre Fanny, cher vicomte ?

Les deux associés, après s’être entendus encore sur di vers points de détail, se séparèrent. Colman, qui avait accompagné Hector jusqu’à la porte du jardin, se disait à lui-même en regagnant son hôtel :

— Tout cela me coûtera gros ; mais l’affaire va présenter à ce sot mirliflore et à cette petite Parisienne plus de difficultés que je n’ai voulu le dire… D’ailleurs, je prendrai ma revanche sur les comptes qu’il réclame si impérieusement.

Cransac, de son côté, avait regagné sa voiture et retour nait chez lui de toute la vitesse de son cheval. Il avait la tête en feu. Les bénéfices acquis déjà dans son association avec Colman, les deux cent mille francs promis pour la négocia-