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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

dre une part dans cette intrigue, étaient nettement tracés. Tous les cas étaient prévus ; toutes les résistances devaient céder, d’après la loi des probabilités et le jeu ordinaire des passions humaines.

— Véritablement, reprit le vicomte avec admiration, le succès me semble infaillible ! Mais comment se fait-il que vous ayez pu vous procurer des renseignements si nombreux et si précis :

— Quelques louis bien employés produisent parfois des miracles. Je tiens ces renseignements de personnes différentes, qui ne se connaissent pas, et qui ne peuvent avoir la moindre idée de mes projets.

— Eh bien ! décidément, Colman, vous êtes un homme très-fort… beaucoup plus fort encore que je ne l’imaginais.

Le banquier se frotta les mains et se mit à rire.

N’est-ce pas ? reprit-il avec naïveté ; parce que je sais prendre un air bonasse, on me juge sur la mine… On suppose que ma fortune est une affaire de hasard, que mes millions se sont gagnés tout seuls. Si nous vivons encore quelque temps ensemble, vous aurez peut-être occasion de m’apprécier.

Le vicomte appréciait déjà Colman à sa juste valeur. Il avait reconnu notamment que, dans la nouvelle affaire comme dans l’ancienne, lui Cransac, devait supporter toute la responsabilité, tous les risques, tandis que son associé demeurait maître de la situation, et serait en mesure de le désavouer s’il arrivait une catastrophe. Cependant ces considérations ne purent l’arrêter.

— C’est entendu, Colman, dit-il en se levant. Ah çà ! faudra-il donc, pendant que je serai occupé de ma mission, renoncer à nos opérations ordinaires de bourse et de loterie ?

— Pas le moins du monde ; votre mission vous obligera justement à résider près d’une station située à douze ou quinze lieues d’ici, sur la ligne télégraphique de Paris à