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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

où vous me l’apporterez, je vous remettrai deux cent mille francs.

— Et vous croyez, Colman, qu’une fois en possession d’un livre de signaux vous serez maître des secrets de l’État ?

— Pourquoi pas ?

— C’est que, pour comprendre une dépêche télégraphique, il faut d’abord en posséder la clef et que la valeur des mêmes signaux varie selon qu’on se sert de clefs différentes, absolument eomme la valeur des notes varie en musique. Or, l’administration spéciale, pour dérouter les observations, ne manque pas de changer fréquemment ces clefs ; vous ne pourrez donc jamais être sûr de la signification réelle d’une dépêche.

— Bah ! le nombre des clefs n’est pas considérable ; le télégraphe les indique lui-même, et on ne les change pas aussi souvent que vous le dites, car ce serait multiplier les difficultés du déchiffrement. Enfin, peut-être d’abord ne pourrons-nous éviter certains tâtonnements, certains embarras, mais il faudra en prendre notre parti.

— Soit ! ceci vous regarde ; mais, puisque vous croyez possible de vous emparer de ce livre des signaux, pourquoi ne vous chargez-vous pas vous-même de cette tâche ?

— Tout bonnement parce que j’échouerais, vicomte ; et, malgré votre finesse, vous échoueriez également, si vous ne ne vous faisiez assister d’un auxiliaire qui possède un art merveilleux pour tourner les têtes.

— De qui donc voulez-vous parler ?

— Eh ! de qui parlerais-je sinon de votre belle et sémillante Fanny ? Seule, elle a cet esprit de ressources, cet entrain, ce diable au corps, indispensables dans une pareille négociation… Ecoutez-moi.

Il lui exposa longuement le plan qu’il avait conçu, et dont nous donnerons plus tard connaissance au lecteur. Le rôle du vicomte et celui de Fanny, si elle consentait à pren-