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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

prendre les secrets de l’État, il ne pouvait manquer d’être destitué. Le jeune homme baissa la tête en recevant cette verte mercuriale : il invoqua l’indulgence de son supérieur et promit de ne plus songer à sa malencontreuse découverte. Toutefois, il ne put éviter une sorte de disgrâce ; il fut envoyé avec sa famille dans un poste moins avantageux et plus solitaire que l’ancien ; il y végète tristement encore aujourd’hui.

« Cependant, comme vous pensez bien, l’invention du pauvre diable n’était pas aussi absurde qu’on le prétendait, et l’inspecteur, en l’examinant à loisir, en avait parfaitement reconnu l’avantage. Il était donc allé trouver le directeur général de la télégraphie, lui avait confié le manuscrit comme étant son propre ouvrage, et lui avait exposé les principes qui formaient la base du nouveau système. Le directeur général, à son tour, fut frappé de la supériorité de ce système sur celui de Chappe, si bien que, à l’heure où nous sommes, la méthode est appliquée sans modification aucune sur toutes les lignes de France.

« L’inspecteur a été récompensé de sa prétendue découverte par une belle somme d’argent d’abord, puis par un avancement considérable… Et la morale de cette histoire, poursuivit le banquier avec une intention facétieuse, est que les moutons sont faits pour être tondus, que les pattes du chat sont faites pour tirer les marrons du feu au profit des Bertrand ; et qu’enfin les gens habiles auront partout et toujours raison deshonnêtes imbéciles… »

Et Colman partit d’un éclat de rire ; mais Cransac ne pa raissait pas disposé à partager cette hilarité cynique.

— Enfin, monsieur, reprit-il, qu’ai-je à voir dans tout ce fatras, et qu’attendez-vous de moi ?

— En deux mots, vicomte, voici quelle sera votre mis sion… Je vous indiquerai où se trouve une copie du manuscrit dont je viens de vous conter l’histoire, et, le jour