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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

« Monsieur Fleuriot. » Cette dénomination souvent répétée finit par frapper l’employé au télégraphe.

— Ah ! monsieur l’inspecteur, dit-il en soupirant, je devine où tend cette politesse pointilleuse à mon égard… Malgré votre amitié pour moi, je suis en disgràce auprès des chefs !

— Avec votre permission, monsieur Fleuriot, répliqua Vincent qui souriait, vous ne devinez rien du tout… Mais réellement n’avez-vous reçu aucune nouvelle de l’adminis tration pendant votre maladie ?

— Aucune, répliqua Raymond avec quelque amertume ; pendant que j’étais alité à cause de ma blessure, on a fourni largement à mes besoins et à ceux de ma famille ; mais je n’ai reçu aucune communication… Seulement, à Bordeaux, où j’étais appelé en témoignage dans le procès qui vient de se juger, M. R*** m’a transmis, au nom du directeur général, l’invitation de me rendre à Puy-Néré, pour achever de m’y rétablir « en attendant de nouveaux ordres. »

— Eh bien, ce sont ces nouveaux ordres que je vous ap porte, monsieur Fleuriot ; et ils ne sont peut-être pas ce que vous imaginez… Mais quoique les yeux de mademoiselle Lucile petillent d’impatience, j’aurai le courage de vous laisser tous languir jusqu’à ce que vous m’ayez dit le résultat du procès. J’arrive de Paris, et je ne sais que très vaguement ce qui s’est passé là-bas.

— L’affaire n’a pas présenté de difficultés sérieuses, répondit Raymond ; l’administration des télégraphes et la justice, afin d’éviter un scandale inutile, ont écarté de la cause tous les faits se rapportant à mon livre des signaux. Restaient à juger les fraudes opérées sur notre ligne télé graphique. Cransac, en mourant, avait reconnu sa culpabilité, sans vouloir toutefois, par un reste de générositė, nommer aucun de ses complices. Brandin, de son côté, avouait tout ; mais il n’avait jamais eu de rapports qu’avec Cransac, et ne connaissait aucune des autres personnes qui