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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

gereuse que celle du vicomte, elle ne devait pas avoir un résultat aussi funeste. La vigueur de sa constitution, les bons soins de sa mère et de sa sœur que l’on s’était empressé de mander, triomphèrent du mal. Après une convalescence assez longue, Raymond avait été en état de comparaître comme témoin devant le tribunal de Bordeaux, et, le jugement prononcé, il revenait à sa demeure habituelle avec sa famille.

À la vue de Georges Vincent, Lucile rougit et poussa un cri de joie ; mais avant qu’elle eût pu prononcer une parole, elle se sentit enlever dans les bras de son robuste fiancé, qui lui appliqua deux baisers, aux applaudissements de la galerie. Puis la maman Fleuriot fut embrassée à son tour ; et Raymond lui-même reçut une accolade qu’il rendit avec cordialité, mais non sans une sorte de tristesse. Enfin Bascoux, qui rôdait autour des arrivants, ne put résister au désir de sauter au cou de son supérieur.

Ce ne furent d’abord que des mots entrecoupés, des témoignages d’affection échangés rapidement. Mais peu à peu on se calma et on s’occupa de s’installer au logis. Les bagages furent apportés dans la maison ; mais on congédia le voiturier et on entra dans la salle basse, où, grâce à la mère Bascoux, tout se trouvait en parfait état.

Une heure plus tard, la famille Fleuriot et Georges Vincent étaient assis autour d’une table chargée de mets simples mais abondants, tandis qu’un grand feu flambait joyeusement dans l’âtre. L’inspecteur et les deux dames paraissaient fort gais, tandis que Raymond conservait quelque chose de son ancienne taciturnité, ce qui, plusieurs fois pendant le cours du dîner, lui attira quelques timides reproches de sa mère et de sa sœur. À la vérité, Vincent lui-même, tout en se montrant affectueux pour son subordonné, ne cachait pas une sorte de réserve cérémonieuse, et il lui arriva, en causant, d’appeler son futur beau-frère