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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

vous avez toujours l’intention d’épouser la petite Fleuriot ?

— Et pourquoi pas ? Pourquoi n’épouserais-je pas la plus douce, la plus charmante, la plus intéressante jeune fille de tout le pays ? Je l’aime depuis longtemps et j’espère, dans le plus bref délai… Mais que vous importe à vous ?

Morisset étoit en proie à une cruelle anxiété.

— Dame ! monsieur l’inspecteur, répliqua-t-il, je pensais, sans vous offenser, que le mariage était tombé dans l’eau ; d’abord M. Fleuriot a mangé la dot de la demoiselle, et puis on a fièrement jasé sur son compte depuis qu’il a levé le pied et tourné de l’œil… Aussi, vous, qui êtes ferré sur la discipline et qui savez certainement le dessous des cartes…

— Je le sais si bien, Morisset, que je vous affirme ceci : vous êtes un imbécile.

— Si monsieur l’inspecteur le dit, cela doit être.

Georges sourit à cette preuve d’humilité excessive ; Morisset, encouragé, ajouta aussitôt :

— Alors il est bien entendu, monsieur l’inspecteur, que vous me porterez pour employé de première classe dans votre prochain rapport.

Vincent finit par s’amuser de cette ténacité.

— On verra cela, Morisset, répliqua-t-il avec gaieté ; si vous êtes assez mauvais ami, vous n’en remplissez pas moins bien vos fonctions au télégraphe ; le bien et le mal trouveront leur récompense.

Laissant Morisset chercher à comprendre ces paroles énigmatiques, il quitta la plate-forme, descendit l’escalier de la tour et se dirigea en courant vers le village de Puy-Néré.

Déjà la carriole venait de s’arrêter devant la maison des Fleuriot, et les voyageurs se disposaient à mettre pied à terre,