Page:Berthet — La tour du télégraphe, 1870.pdf/30

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
30
LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

cette combinaison nouvelle, nous ne craindrions plus l’indiscrétion, la maladresse, la trahison de nos agents, car nous n’aurions plus besoin d’intermédiaires. Nous exécuterions, sans bruit et sans risques, des coups de filet qui nous rendraient les plus riches capitalistes du monde en tier… Avez-vous pensé à tout cela, monsieur de Cransac ?

— Parfaitement, monsieur Colman ; mais ce que vous souhaitez est impossible.

— Vous croyez, vicomte ?

— J’en suis sûr… Les employés subalternes de la télé graphie ne comprennent absolument rien aux signaux qu’ils transmettent, sauf pourtant le petit nombre de signaux réglementaires attribués à la police de la ligne. Seuls les deux directeurs, l’un qui se tient à Paris et expédie la dépêche, l’autre qui se trouve à cent lieues de là et qui la reçoit, sont capables de la déchiffrer, car seuls ils possèdent le vocabulaire où se trouve écrite l’explication de chaque signal.

— Eh bien, si on se procurait le livre des signaux ?

— C’est impossible, je vous le répète. Les directeurs, dépositaires de ce livre, sont des hommes éprouvés, hono rables, incorruptibles ; et, si l’on cherchait à les gagner, ils vous menaceraient du procureur du roi, comme cela est arrivé… à certaines personnes.

— C’est que peut-être on n’avait pas su s’y prendre… Tenez, Cransac, vous me paraissez fort instruit en ce qui touche la télégaphie aérienne, et vous devez l’avoir étudiée longtemps pour posséder une pareille expérience… Eh bien ! avec votre permission, je vais vous apprendre sur ce chapitre une foule de choses qui seront certainement nouvelles pour vous.

Le vicomte observait son gros associé avec une surprise croissante. Colman avait perdu cette lourdeur de mouvements et de langue qu’il montrait d’ordinaire ; son accent était net, son œil résolu.