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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

— Ma foi ! c’est possible, car une place est vacante à la station de Puy-Néré, et il y aura de l’avancement,

— Alors ce pauvre M. Fleuriot est mort tout de bon ? dit Bascoux d’une voix émue.

— Parbleu ! c’est comme ça que les autres avancent, répliqua Morisset avec sécheresse.

Vincent le regarda.

— On dirait, Morisset, reprit-il, que la mort de votre ancien camarade ne vous désole guère ?

Morisset, de son côté, essaya de lire sur les traits de Vincent s’il convenait ou non de manifester de la tristesse ; ne parvenant pas à deviner sa pensée, il répliqua d’un ton cauteleux :

— C’est comme il plaira à monsieur l’inspecteur.

Vincent lui tourna le dos avec mépris.

Vincent, après avoir jeté un coup d’œil rapide sur les diverses pièces du télégraphe et s’être assuré que tout y était de même en bon état, s’approcha du parapet et promena son regard sur la campagne. Les landes dites de Barbezieux étaient toujours là, aussi stériles, aussi nues et presque aussi solitaires que les grandes landes de Bordeaux. En face de Puy-Néré se dressait toujours le Château-Neuf, dont les portes et les fenêtres étaient closes, et qui, après avoir retrouvé un moment de vie et de splendeur, était retombé dans son abandon. Déjà la mousse recommençait à envahir son toit, sur lequel la nuit chantaient les chouettes et les hiboux.

Mais ces détails n’attirèrent nullement l’attention de Georges. Ses yeux s’étaient tournés vers un chemin bordé de haies chétives et de maigres vignes, qui conduisait à la ville. Non loin de la tour, le soleil, se glissant par l’échancrure d’un nuage, laissait tomber un rayon éblouissant sur ce chemin boueux et éclairait une espèce de carriole attelée de deux chevaux qui semblait se diriger vers Puy-Néré.