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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

— Je ne sais trop, mais il me semble qu’il s’agit de la révolution de juillet…

— Bon ! c’est un journal d’il y a quatre ans… Pauvre innocent, va !

Le surnuméraire tout honteux s’empressa de glisser le journal dans le poêle.

— Eh bien ! monsieur Morisset, reprit-il bientôt, vous qui êtes au courant des affaires de Puy-Néré, dites-moi donc ce qu’il faut penser…, M. Fleuriot est-il mort ou vivant, et peut-on croire qu’il reviendra ?

— Qui le sait ? Depuis deux mois que sa mère et sa sœur sont parties pour aller le soigner dans ce village des Landes où il était malade et blessé, on n’a plus entendu parler, ni d’elles ni de lui… C’était un brave homme que M. Fleuriot ! Tout de même, petiot, ne te désole pas ; je crois bien qu’il ne reviendra plus. Tu seras définitif ; quant à moi, je passerai de première classe, et j’aurai cinq sous de plus par jour.

Bascoux, quoique fort impatient d’être « définitif, » n’éprouvait pas le sentiment égoïste et impitoyable que le désir d’avancement inspirait à son collègue, sentiment beaucoup trop ordinaire chez les employés de tous ordres dans les administrations,

— Eh bien, voyez, monsieur Morisset, reprit-il, moi je consentirais à rester surnuméraire encore longtemps, pourvu que ce pauvre M. Fleuriot revint bien portant, comme il est parti !

Morisset ne répondit pas, mais il jeta sur Başcoux un regard méprisant qui semblait dire :

— Voilà un drôle qui n’arrivera jamais à rien.

Bascoux reprit après un nouveau silence ;

— Du moins vous pouvez m’apprendre si ce « monsieur vicomte » qui habitait le Château-Neuf existe encore ?

— Oh ! pour celui-là, il est mort et bien mort… C’est dommage, car il y avait de l’argent à gagner pour ceux qui