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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

tard les deux hommes allaient se trouver en présence l’un de l’autre. Un reste de fierté empêchait le vicomte de fuir à toutes jambes, et d’ailleurs sa valise, qui contenait le livre des signaux, eût gêné sa course. Il songea encore que peut-être Fleuriot, ignorant son déguisement, passerait sans le reconnaître. Aussi cessa-t-il de poursuivre son cheval, de peur que le voyageur, voyant son embarras, n’eût l’obligeante idée de venir à son secours. Il prit la contenance la plus paisible, comme il convenait à un curé de campagne ; il rabattit son chapeau sur son visage, s’assit sur sa valise, et fit tout ce qu’il pouvait pour avoir l’air de méditer un sermon.

Fleuriot arrivait bon train, et les sabots de son cheval résonnaient à grand bruit sur les madriers. Parvenu en face de Cransac, il s’arrêta brusquement et sauta à terre ; puis, laissant sa monture rejoindre, si elle en avait le désir, son ancien compagnon d’écurie, il se dirigea en courant vers le soi-disant curé campagnard.

Celui-ci demeurait immobile et semblait toujours plongé dans ses méditations ; en réalité, sa main s’était glissée dans la poche de sa soutane pour y chercher la crosse de ses pistolets.

Toutefois, supposant encore que Fleuriot avait seulement l’intention de lui demander des renseignements, il détour nait la tête pour éviter d’être reconnu. Les premières paroles qu’on lui adressa furent de nature à lui laisser des doutes sur ce point.

— Monsieur l’abbé, demanda Fleuriot, n’auriez-vous pas vu passer ici un voyageur à cheval, ayant l’apparence d’un marin ?

Le prétendu curé secoua la tête d’un air d’impatience, comme un homme pieux dérangé dans ses prières.

Fleuriot poursuivit :

— La personne que je cherche est un scélérat, et, si vous