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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

gnard, et la tourna vers ce point éloigné. Tout à coup il s’écria :

— Eh ! eh ! un télégraphe !… En effet, nous sommes ici sur la ligne de Bordeaux à Bayonne et à la frontière d’Espagne… Eh bien, puisque ma maudite rosse m’oblige à perdre un temps précieux, pourquoi n’en profiterais-je pas pour me mettre au courant des nouvelles politiques… et peut-être particulières, qui sait ? Voyons donc cela.

Il ouvrit son carnet et se mit à noter les signaux avec un crayon. Certain que personne ne l’épiait, il avait déposé son chapeau sur l’herbe, et laissait voir une tête vigoureuse, aux cheveux bouclés, ne présentant aucune trace de ton sure.

Il resta quelques instants absorbé par son travail. Le télégraphe continuait d’agiter ses bras et les signaux succédaient aux signaux. Enfin le mouvement cessa. Le prétendu prêtre (car on a devine sans doute que le voyageur n’avait d’ecclésiastique que le costume) reconnut que la dépêche était finie.

— Déchiffrons cela, maintenant, reprit-il.

Il tira de sa valise un gros livre manuscrit, l’étala sur la bruyère et se mit à le compulser.

Bientôt ses traits exprimèrent un embarras extrême, puis un vif étonnement, puis une grande hilarité. Quelle mauvaise plaisanterie ! disait-il ; quelle dérision du sort !… Je me serai trompé de « clef » dans la traduction de la dépêche… Recommençons.

Et il feuilleta de nouveau son manuscrit ; mais il avait beau comparer, tâtonner, vérifier ; toujours le même sens bizarre et impossible se reproduisait avec de légères variantes. On comprendra combien ce sens était peu probable, quand on saura que la dépêche, ou plutôt le fragment de dépêche, se traduisait ainsi :

« …… Hector de Cransac, en récompense de ses services,