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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

parpilla dans la plaine. Les Landais se trouvèrent bientôt à une distance considérable ; et, comme on ne voyait plus les minces perches sur lesquelles ils marchaient, on les eût pris pour des formes fantastiques s’agitant entre la terre et le ciel.

Le voyageur, irrité de cette sauvagerie imbécile, éprouva une velléité de les poursuivre ; mais il ne tarda pas à comprendre l’inutilité d’une semblable tentative, et revint en maugréant sur ses pas. Il se remit en selle et continua son chemin. Au bout de quelques instants il rencontra une per sonne du pays qui semblait devoir être moins stupide que les deux pâtres.

C’était une vieille femme, vêtue d’habillements grossiers ;

sa coiffure consistait en une sorte de capuce, formée de plusieurs mouchoirs, par-dessous laquelle s’échappaient de longues mèches de cheveux gris. Elle n’avait pas d’échasses, quoique l’on devinât, à sa démarche gauche et embarrassée, l’habitude de s’en servir. Elle portait au bras un panier plein de résine qu’elle venait sans doute de récolter dans quelque pignada des environs.

À la vue de l’inconnu, elle eut un mouvement de surprise et peut-être d’effroi ; mais elle se rassura un peu en remarquant l’habit ecclésiastique dont il était revêtu, et se signa dévotement. Le voyageur demanda de nouveau d’un ton doux et affable :

— Pouvez-vous me dire, bonne femme, où conduit ce chemin ?

La vieille écarquilla ses yeux chassieux et répliqua d’un air hébété :

— Eh ! boussu ?

— Je vous demande si vous savez où va ce chemin ?

— Eh ! boussu ? répéta la Landaise.

Le prêtre, devinant qu’elle n’entendait pas le français, dut appeler la pantomime à son secours. Enfin, quand il eut prononcé le nom de la Teste-de-Buch, il eut la satisfac-