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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

rentrer en grâce ou pour vous obliger à de grands sacrifices, ne serait pas capable de vous trahir ?

Hector n’ignorait pas combien les craintes du banquier étaient légitimes. Brandin, qui l’accablait de demandes d’argent, comme lui-même en accablait Colman (il en est toujours ainsi dans ces sortes d’affaires), avait écrit, afin d’exciter la générosité du vicomte, à quels soupçons il était en butte. Hector crut cependant voir dans les assertions de Colman une manœuvre pour le dérouter.

— Tout cela peut être vrai, reprit-il d’un ton sec, et c’est une raison de plus pour que nous redoublions de vigilance à l’avenir ; mais, si vous le voulez bien, revenons à ce qui concerne le passé… Encore une fois, monsieur Colman, êtes-vous disposé à me fournir les comptes que je réclame ?

— Allons ! allons ! homme intraitable, on s’arrangera pour vous satisfaire ; accordez-moi seulement quelques jours… Et si, en attendant, vous avez besoin de dix mille francs pour acheter des babioles à votre jolie compagne…

— Dix mille francs, soit… Remettez-moi un chèque sur la Banque ou tout simplement un mandat sur votre caisse.

— À quoi bon ? j’ai de l’argent sur moi, répliqua Colman en exhibant un gros portefeuille de cuir ; on ne sait ce qui peut arriver dans notre position, et, à tout événement… Tenez, voici les chiffons.

Et il jeta sur la table une liasse de billets de banque. Cransac les prit et les fit disparaître après les avoir comptés.

— Voulez-vous un recu ? demanda-t-il.

— Et que diable en ferais-je ? Sur ma foi ! vicomte, vous oubliez toujours que nos opérations ne sont pas des plus régulières, et qu’il serait stupide d’en laisser la moindre trace… Chacun de nous doit se fier à l’honneur de l’autre… D’ailleurs, cette somme est si modique !… Mais voyons. Cransac, ajouta-t-il tout à coup avec une rondeur