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XX

La rencontre.


Dans la matinée qui suivit cette nuit si agitée pour Raymond Fleuriot, un cavalier trottait sur une route sablon neuse qui traverse les landes au sud de Bordeaux.

À cette époque déjà éloignée de nous, les landes qui, grâce aux canaux, aux chemins de fer, aux plantations de diverses natures, aux efforts de la colonisation, tendent à prendre un aspect nouveau, avaient encore tout leur caractère triste et sauvage. C’étaient des plaines stériles, couvertes de bruyères, parsemées d’étangs qui répandaient aux environs la fièvre et les émanations malsaines.

Le regard, en glissant sur ce vaste espace, était arrêté seulement par quelques bouquets de pins, quelques suriers, (chênes-liéges) qui en rompaient la lugubre uniformité. Les villages y étaient rares, les habitations clair-semées et misérables. En revanche, on apercevait de temps en temps des bandes de bouviers qui, ayant dételé leurs charrettes, bivaquaient en donnant la bourrée à leurs bœæufs ; ou bien des pâtres maigres, au teint plombé, qui, enveloppés dans leur justaucorps de peau de mouton et dans leur grand manteau à houppes rouges, juchés sur leurs échasses, dirigeaient à travers ces interminables pâturages, des troupeaux de moutons maigres et chétifs comme eux.