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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

midement le prix ; nous disons « timidement, » car sa bourse était maigre, et il avait fort écorné les quatre cents francs provenant de l’humble dot de Lucile.

— Ah ! vous vous y entendez, camarade ! s’écria le cabaretier maquignon avec un enthousiasme réel ou feint ; vous tombez précisément sur mon meilleur cheval, Celui-ci n’a pas un défaut, et votre Ponentais, qui a l’air d’un fin connaisseur, me l’a payé huit cents francs il n’y a pas plus de quelques heures.

Quoi donc ! demanda Fleuriot avec étonnement, on vous a payé ce cheval et il est encore dans votre écurie ? Bras-de-Singe demeura confus en s’apercevant qu’il avait lâché une sottise.

— Ne m’avez-vous pas dit, répliqua-t-il avec embarras, que ce Ponentais était un vaurien du grand ton ?

— Il est vrai.

— Eh bien, moi, j’avais une idée de la chose ; et j’ai deviné qu’il voulait faire un mauvais usage de ce cheval. Aussi, quoique ce soir il me l’ait acheté et payé, Victorin a imaginé de lui en amener un autre de même robe et de même taille, mais beaucoup moins bon, et qui passe même pour un peu rétif. Comme il faisait nuit, l’homme ne s’est pas aperçu de la substitution, și bien…

— Mais, maître, s’écria Victorin, ce n’est pas moi qui ai manigancé l’affaire, c’est vous qui m’avez commandé…

— Te tairas-tu ! grommela Bras-de-Singe en allongeant furtivement un coup de pied à son garçon d’écurie. Fleuriot ne paraissait pas s’apercevoir de cette altercation.

Monsieur Michonet, reprit-il, je ne peux vous acheter cet animal, et pourtant j’en ai le plus pressant besoin. Je vous prie donc de me le louer pour quatre à cinq jours. Passé ce délai je m’engage à vous le rendre en bon état, je vous en payerai la location d’avance et de la manière la plus libérale.