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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

Tenez, tenez… Il me semble que les requins de terre frap pent déjà à la porte de la rue !

— Eh bien ! qu’ils frappent, qu’ils entrent, s’il le faut ! répliqua Fleuriot au comble de l’irritation ; peut-être par viendront-ils à vous faire parler, eux ! Mais, mon bon monsieur, que voulez-vous que je réponde ? Ce gaillard ne s’est pas confessé à moi, vous sentez bien. Tout ce que je peux dire, c’est que je lui ai vendu un cheval.

— Ah ! voilà enfin quelque chose… Alors il est parti d’ici monté sur le cheval qu’il venait de vous acheter ?

— Du tout ; il est parti à pied, en emportant sa valise sous son bras… et mon garçon Victorin a conduit le cheval sur la route de Montauban, où l’homme devait le rejoindre.

Sur la route de Montauban ! s’écria Fleuriot ; allons ! tout n’est pas perdu encore… Eh bien ! père Michonet, il vous reste plusieurs chevaux ; pouvez-vous m’en vendre, ou plutôt m’en louer un pour quelques jours ?

Le seul espoir de vendre un cheval transfigura Bras-de Singe ; le maquignon dominait encore en lui le recéleur et le cabaretier. Il oublia tout le reste et répondit avec volubilité :

— Si j’ai des chevaux, monsieur ! Des bêtes superbes !… Pas un marchand de Bordeaux n’est mieux assorti… Venez seulement les voir… je veux que vous les voyez !

Et, saisissant la lumière, il passa dans l’écurie. Là il obligea les pauvres rosses qui dormaient sur la litière à se lever, et il commença l’éloge de chacune d’elles avec une verye qui aurait pu avoir le plus grand succès dans une foire. Victorin renchérit encore sur son maître, et jamais les coursiers vainqueurs du derby ne reçurent d’éloges aussi outrés que ces misérables bêtes.

Fleuriot arrêta son choix sur l’une d’elles, un peu moins étique et moins fourbue que les autres. Il en demanda ti-