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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

chonet lui-même, et dont l’autre était vide. Certain que Cransac n’était pas là, Fleuriot voulut être conduit sur-le-champ à la chambre secrète. On traversa donc la cour et on gagna l’écurie.

Il y avait trois ou quatre chevaux attachés au râtelier. Lorsqu’on entra, un jeune garçon d’écurie, qui dormait à demi vêtu dans un coin, se leva prestement en se frottant les yeux.

— Qu’y a-t-il maître ? demanda-t-il ; est-ce qu’on vient voir les chevaux ?

— Dors, dors, Victorin, répliqua Bras-de-Singe d’un ton bourru ; cela ne te regarde pas.

Et il se dirigea vers la porte secrète.

— Bon ! je comprends, répliqua Victorin, en ricanant ; c’est un « nouveau »… Il y a là une chambrette qui ne chôme guère ; et sans doute on donnera encore pour boire au garçon,

Sans écouter, le maître du logis fit jouer un ressort, et l’on pénétra dans le réduit où Jacques Rouget avait vu Cransac le jour même. Mais il ne fallut à Fleuriot qu’un coup d’ail pour s’assurer que Cransac n’y était plus. Il ne restait là que quelques effets abandonnés comme inutiles, Fleuriot reconnut entre autres le fameux caban que le vicomte avait porté toute la soirée, et qu’il n’avait pas sans doute jugé prudent de conserver.

En acquérant la certitude que son ennemi lui avait échappé encore, le pauvre employé au télégraphe ne put retenir un geste de désespoir. Mais presque aussitôt, par un énergique effort de volonté, il se mit à questionner Bras-de-Singe sur les projets supposés de Cransac en quittant la maison. Le cabaretier jura ses grands dieux qu’il ne savait rien.

Monsieur, dit-il humblement, la demi-heure doit être bien près de finir ; et, puisque j’ai rempli ma promesse, puisque vous voyez vous-même que le Ponentais est parti…