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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

Le Marseillais, irrité de cette rude apostrophe, se disposait à répondre sur le même ton, quand Fleuriot s’interposa :

— Michonet… Bras-de-Singe, ou quel que soit le nom qu’on vous donne, dit-il d’un ton ferme, Jacques Rouget est venu ici à mon instigation, et moi j’ai le plus sérieux intérêt à savoir ce qui se passe chez vous.

— Ouiche ! s’écria le cabaretier maquignon en ouvrant de grands yeux, et si je ne veux pas que vous le sachiez, moi ? Il m’est aussi facile de vous jeter par la fenêtre que par la porte.

Fleuriot tira un pistolet de sa poche.

— Écoutez-moi, reprit-il ; vous cachez ici un malfaiteur de haute volée dont la capture occupe les plus grands personnages de Bordeaux ; s’il est découvert chez vous votre établissement sera fermé, vous serez arrêté vous-même. Conduisez-moi à l’instant auprès de cet homme, que vous appelez, je crois, le Ponentais : si, après une courte conversation avec lui, je me trouve satisfait, je me retire sans scandale. En revanche, si vous ou lui vous essayez de la résistance, sachez que la police est là à votre porte ; au moindre bruit elle envahira votre maison et vous aurez, j’imagine, de fort vilains comptes à régler avec elle. Si dans une demi-heure je ne suis pas allé moi-même lever la consigne des hommes qui attendent dans la rue, ils doivent encore entrer chez vous et s’assurer de tous ceux qui s’y trouvent… Cela n’est-il pas vrai, monsieur Rouget ?

— Il ne ment pas, Bras-de-Singe ! dit le matelot en clignant des yeux ; pour de bon, les requins de terre gardent les écoutilles, et il s’agit de ne pas courir des bordées à droite et à gauche.

— Il y a déjà dix minutes d’écoulées, ajouta Fleuriot en regardant sa montre.

Rien ne saurait peindre la terreur de Bras-de-Singe en entendant ces mots de « police » et de « requins de terre. »