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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

de vous courra chercher du renfort au poste le plus voisin, on cernera la maison et on la visitera minutieusement… M’avez-vous compris ?

— Oui ; mais ne pouvez-vous nous dire ?… Rien… Seulement, je vous le répète, la moindre omis sion peut avoir les conséquences les plus fâcheuses, dont il vous sera demandé compte.

— Il suffit ; dans une demi-heure, c’est convenu.

Fleuriot satisfait entraîna de nouveau son compagnon, qui n’avait pas l’air de comprendre de quoi il s’agissait, et ils s’approchèrent de la demeure de Bras-de-Singe, tandis que les agents de police les suivaient à distance.

Cette maison n’était guère qu’une masure, à laquelle l’écurie et les greniers attenants donnaient pourtant quelque importance. Au moment où Fleuriot et son compagnon s’arrêtèrent devant la porte, tout y semblait endormi, aucune lumière ne brillait aux fenêtres. Cependant, Rouget ayant frappé d’une certaine manière, on ouvrit ; quelqu’un apparut dans l’ombre du corridor et chercha à reconnaître les visiteurs. Aussitôt Raymond et le marin entrèrent résolûment, refermèrent la porte, et poussèrent la personne qui était venue les recevoir vers une pièce voisine où l’on apercevait de la lumière.

On se trouva bientôt dans la salle principale du cabaret, en présence de Bras-de-Singe, le maître du logis. C’était un vieillard sordide, aux traits ignobles ; ses cheveux, jadis rouges, avaient pris, par suite de l’âge, des teintes jaunes du plus désagréable effet ; enfin il avait de longs bras maigres, qui le faisaient ressembler à un orang-outang, d’où lui venait son surnom. Cet homme, en reconnaissant Jacques, à la lueur de l’unique chandelle qui éclairait la salle, lui dit d’une voix enrouée :

— Mille tonnerres ! matelot, est-ce encore toi ? que diable me veux-tu ? J’allais me coucher… La cambuse est fermée pour aujourd’hui.