Page:Berthet — La tour du télégraphe, 1870.pdf/267

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
267
LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

té du quai de Bacalan, et pénétrèrent dans la rue étroite et fangeuse où demeurait Bras-de-Singe. Le Marseillais indiqua de loin la maison et exprima le désir d’arriver, car, en dépit de sa bonne volonté, il n’était pas encore très-solide sur ses jambes. Aussi Fleuriot craignait-il que son compagnon ne lui fit défaut au moment critique, quand il leur vint un secours inespéré.

En entrant dans la rue, ils se heurtèrent contre deux hommes qui marchaient en sens inverse et semblaient raser la muraille. Comme cette rencontre avait lieu précisément sous un bec de gaz, Fleuriot et le marin regardèrent ces gens avec curiosité ; Fleuriot reconnut les agents de police qui l’avaient arrêté par mégarde, quelques heures auparavant, dans le voisinage de l’hôtel Colman. Frappé d’une inspiration subite, il les aborda.

— Vous m’avez vu déjà, messieurs, leur dit-il, et vous savez qui je suis ?

L’un d’eux fit un signe affirmatif.

— Vous savez sans doute aussi que, par l’ordre de votre chef… ce vieux monsieur qui toute la journée a porté un bonnet de soie noire…, j’ai le pouvoir de vous requérir en ce qui concerne la mission dont je me suis chargé ?

— C’est vrai.

— Eh bien ! je vous prie de suivre à la lettre les instructions que je vous donne, car, si vous y manquiez en quoi que ce soit, une grave responsabilité pourrait peser sur vous : Je vais entrer avec le brave marin qui m’accompagne dans la maison que vous voyez là-bas…

— La maison du maquignon Bras-de-Singe ? — Précisément. Vous, de votre côté, vous vous tiendrez dans les environs, mais sans vous montrer. Si vous entendez des cris, un tumulte à l’intérieur, vous accourrez au plus vite, sinon vous ne bougerez pas pendant une demi-heure. Ce temps écoulé, si je ne suis pas venu en personne… en personne, vous m’entendez ? lever votre consigne, l’un