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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

tournant de la rue. On ne l’entendit ou on ne le comprit pas au milieu du tumulte, et il resta prisonnier dans un moment où la liberté de ses mouvements lui était si nécessaire.

Toutefois sa captivité ne fut pas de longue durée. Les agents de police, sans écouter ses protestations, allaient le conduire à l’hôtel Colman, quand quelqu’un s’approcha et examina rapidement le prisonnier. Fleuriot reconnut le petit vieux en bonnet de soie noire qu’il avait vu le jour même au café, et dans lequel il avait deviné le chef de la police bordelaise.

— Butors, imbéciles ! s’écria le chef en s’adressant à ses hommes, que faites-vous ? c’est M. Fleuriot, l’employé du télégraphe.

— Et Cransac s’enfuit là-bas ! s’écria Fleuriot hors de lui ; courez vite… vous le reconnaitrez à son caban.

Les agents, honteux de leur bévue, s’élancèrent de toute leur vitesse dans la direction indiquée. Fleuriot lui-même allait les suivre ; le chefde la police tenta de le retenir.

— Monsieur, dit-il, ne voulez-vous pas rendre compte aux magistrats, qui sont là dans la maison, de ce qui vient de se passer.

— Je ferai encore mieux de retrouver Cransac, si la chose est possible ! s’écria Raymond.

Et il reprit sa course.

Mais un temps précieux avait été perdu. Fleuriot, parvenu à l’extrémité de la ruelle, ne vit plus personne. Il erra au hasard pendant quelques instants. Bientôt il rencontra un à un les agents de police qui revenaient tout penauds, après avoir battu inutilement le voisinage. Sans doute Cransac, en arrivant à des rues fréquentées, s’était débarrassé de son caban et s’était perdu dans la foule.