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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

Cransac ne bougeait pas et prêtait l’oreille aux cris qui s’élevaient de divers côtés.

— Tenez, Fleuriot, reprit-il avec volubilité, vous m’avez sauvé la vie et je ne vous veux aucun mal. Laissez-moi aller ; nous nous retrouverons ailleurs, et je vous donnerai trente ou quarante mille francs… une fortune pour vous. Sur cette somme, votre sœur aura une dot, vous assurerez des jours paisibles à votre mère…

— Assez, monsieur, interrompit Fleuriot, je n’ai que faire de vos insolentes propositions… Marchez donc, ou je vais appeler les gens de justice… et justement les voici.

En effet, les hommes qui gardaient la porte, après s’être renseignés à leurs camarades del’intérieur, accouraient pour avoir des nouvelles du fuyard. Comme Fleuriot retournait la tête afin de voir à quelle distance ils se trouvaient, Cransac dit brusquement :

— Bah ! ils ne me tiennent pas encore !

Par une subite secousse, il se dégagea des mains de Ray mond ; et lui qui, tout à l’heure, semblait avoir les membres rompus et ne pouvoir se soutenir sur ses jambes, se mit à courir avec légèreté.

L’employé le poursuivit ; mais sa claudication, presque insensible en temps ordinaire, devenait, comme nous l’avons dit, un obstacle sérieux quand il s’agissait d’une course rapide. Comme son adversaire gagnait du terrain, il appela d’une voix haletante, et aussitôt l’escouade de police se dirigea vers lui.

Il serrait le vicomte d’assez près, et peut-être, en dépit de tout, fùt-il parvenu à l’atteindre, quand un fait se produisit, assez ordinaire en pareille circonstance. Les gens de la justice, voyant devant eux un homme qui fuyait, le prirent pour le malfaiteur qu’ils étaient chargés d’arrêter ; ils se jetèrent sur Fleuriot tous à la fois et s’emparèrent de lui. Vainement se débattit-il en essayant de leur expliquer l’erreur, en leur montrant Cransac qui allait disparaître au