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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

tion, se groupèrent devant la porte, et l’un d’eux dit assez haut :

— Attention ! la descente de justice vient d’avoir lieu dans l’hôtel.

Cette nouvelle n’étonna pas l’employé, mais elle le contraria vivement. Il ne désirait ni entraver l’autorité ni lui prêter appui, et il mettait son honneur à vider en personne sa querelle avec le vicomte. Or il semblait impossible que l’homme au caban échappât aux nombreux agents qui venaient d’envahir la maison, et si cet homme était vraiment Cransac, son arrestation devait être déjà consommée. Néanmoins, Fleuriot ne voulut pas se relâcher encore de sa vigilance ; il s’éloigna de la porte gardée par les gens de justice, et se mit à rôder le long du mur de clôture, attentif et l’oreille au guet.

Sa constance fut récompensée. Bientôt une nouvelle agitation se manifesta dans le jardin, et il entendit les gens de l’intérieur qui avertissaient leurs camarades d’être en alerte. Fleuriot se glissa vers l’endroit d’où venait le bruit, et tout à coup il vit une forme humaine se dresser sur la crête de la muraille. On sembla mesurer du regard la distance où l’on était du pavé ; mais, comme sans doute le danger devenait pressant, on se suspendit par les mains afin de diminuer le plus possible la violence de la chute, et on se laissa tomber d’une hauteur qui était encore effrayante.

Malgré l’adresse que le fuyard avait déployée dans cet acte de témérité, il demeura sans mouvement sur le pavé de la rue. Etait-il mort, ou blessé, ou seulement étourdi ? Fleuriot l’ignorait, et il s’élança avec tant de précipitation qu’il tomba lui-même. Cependant il ne perdit pas son sang froid et, se penchant vers l’inconnu, il s’efforça de distinguer ses traits à la lueur d’un reverbère. C’était l’homme au caban, c’était Hector de Cransac.

Le vicomte n’était ni mort ni évanoui, comme on avait pu le croire d’abord. Les yeux de Fleuriot rencontrèrent ses