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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

rence entrer chez le banquier. Il n’en fut pas de même, quelques instants plus tard, pour un homme aux allures mystérieuses qui vint à son tour sonner à la porte. Cet homme était enveloppé de la tête aux pieds dans un de ces cabans à capuchon, comme en portent certains officiers de mer. D’ailleurs la nuit était obscure et l’on n’entrevoyait qu’une forme confuse.

Fleuriot éprouva un soupçon et essaya de s’approcher furtivement ; mais l’inconnu, après avoir sonné, se hâta de se retourner, en regardant à droite et à gauche ; évidemment il était sur ses gardes, et à la moindre apparence de péril il allait fuir ou se défendre. La possibilité d’une lutte n’eût pas arrêté Fleuriot, mais il craignait encore de se tromper, et songeait qu’une alerte inutile pouvait nuire à la réussite de ses projets. Pendant qu’il hésitait, l’homme au caban s’était mis à parlementer avec la portière par le guichet, et, ses arguments ayant enfin vaincu la résistance du cerbère, il pénétra brusquement dans le jardin.

Fleuriot demeura perplexe. Les manières de l’homme au caban confirmaient ses soupçons ; mais que faire ? Fallait-il pénétrer chez Colman de gré ou de force, et s’assurer si ce mystérieux personnage était le vicomte de Cransac ? Cette démarche présentait des inconvénients nombreux, et, maintenant qu’il n’était plus temps, Raymond regrettait de n’avoir pas obligé le visiteur à se découvrir. Toutefois, comme cet individu, qui semblait avoir tant d’intérêt à se cacher, ne pouvait ressortir par la grande porte de l’hôtel, l’employé résolut de rester à son poste pendant toute la nuit, si la chose était nécessaire, et de voir à tout prix les traits de l’homme au caban.

Dans cette idée, il se rapprocha de l’habitation pour la surveiller plus étroitement ; mais bientôt une sourde rumeur qui s’éleva des jardins témoigna qu’un événement nouveau venait de se produire. Fleuriot apprit bientôt de quoi il s’agissait. Les hommes de police, bannissant toute précau-