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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

eux en passant. La dame du comptoir et les garçons du café témoignaient pour ce vieux à l’air si paterne une déférence craintive, déférence qui, nous devons l’avouer, s’étendait jusqu’à Fleuriot lui-même, sans qu’il s’en doutât.

De tout cela l’employé au télégraphe conclut que la police bordelaise ne restait pas inactive. Il persista néanmoins dans sa résolution de ne compter que sur lui-même, et il se croyait de force à déjouer, sans le secours de personne, les ruses de son ennemi.

Cependant la journée était passée, la soirée approchait, et cet opiniâtre surveillance demeurait sans résultat. Si Raymond avait accordé une certaine attention au petit vieillard, celui-ci, de son côté, avait attaché fréquemment sur lui son œil gris et perçant. Enfin, comme le jour commen çait à baisser, le bonhomme se leva et fit ses préparatifs de départ. Tout à coup il s’approcha de Fleuriot et lui dit à voix basse :

— Vous êtes l’employé au télégraphe, n’est-ce pas ?

Fleuriot répondit affirmativement.

— Je m’en étais douté… Eh bien ! comme nous, vous avez fait chou blanc aujourd’hui. On devait s’y attendre car il s’agit d’un gaillard trop madré pour se présenter en plein jour à la grande porte… Ce soir, à la porte du jardin, nous serons peut-être plus heureux. Si, de votre côté, vous découvrez quelque chose, appelez-nous, car nous avons ordre de vous prêter assistance.

Et, sans attendre de réponse, le petit vieillard s’esquiva lestement.

Fleuriot ne tarda pas à quitter le café. L’absence de Jacques Rouget l’inquiétait, et il était impatient de s’assu rer si le marin n’avait pas mieux réussi dans ses recherches. Il retourna donc au cabaret où il comptait le trouver. Le diner était prêt, mais, quoique l’heure convenue fût passée, le Marseillais n’arrivait pas ; on ne l’avait pas vu de la journée, et il n’avait envoyé aucun message.