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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

Jacques Ronget ouvrait de grands yeux. — Bagasse ! dire que j’ai passé une journée presque entière avec ce failli chien ! s’écriait-il avec une sorte de colère contre lui-même ; bête que tu es, ne voyais-tu pas qu’il voulait t’entortiller !… Ensuite ses cigares étaient bons et nous faisions des grogs où il y avait moins d’eau que de cognac… N’importe ! si jamais je rencontre ce gredin, je « le descends ! »

Le Marseillais ne cessait de boire, et il commençait à s’échauffer. Fleuriot, le voyant parvenu au point où il l’attendait, lui dit tout à coup :

— Eh bien ! Jacques Rouget, ne pourriez-vous m’aider à retrouver notre chenapan ? Je payerai un fier diner ce soir si vous parvenez à découvrir sa piste ?

— Tonnerre ! s’écria le matelot en absorbant un sixième petit verre de rhum, si le diner ressemble au déjeuner… Eh bien ! tron de Diou, on peut s’entendre.

— Quoi ! vous savez où se cache « le Ponentais, » comme vous dites ?

— J’ai mon idée, ami soldat… Tout en jasant à bord du bateau, il m’a glissé dans le pertuis de l’entendement qu’il avait eu des raisons avec son capitaine, et il m’a demandé où les matelots se cachaient à Bordeaux quand ils avaient fait quelque branle-bas… Alors, moi, ne soupçonnant pas malice, je lui ai indiqué les fonds de cale où l’on se tient pour éviter les rats de terre et les gendarmes… Je parierais qu’il se sera réfugié dans une de ces cachettes ?

— C’est bien probable, Jacques Rouget, et vous me rendriez un fameux service de vous en assurer.

— Tron de l’air ! je le ferai ! s’écria le matelot, qui, après avoir bu et mangé tout ce qu’on avait servi devant lui, venait d’allumer sa pipe ; vous êtes un brave garçon, et c’est plaisir de vous donner un coup de main. D’ailleurs je garde une dent à ce damné Ponentais, qui s’est moqué de moi ! Je vais aller chez la mère Coqueluche, ou chez Michonet