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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

— Quoi ! demanda Fleuriot cruellement désappointe, vous ignorez ce qu’il est devenu ?

— Puisque je vous dis qu’il a pris chasse tout à coup et qu’il a filé son nœud… Mais s’il retombe dans mes eaux, ce Ponentais de misère, je lui apprendrai la civilité, foi de gabier !

Raymond avait peine à cacher le dépit que lui causait ce contre-temps.

Ah, cà ! reprit Raymond, ce matelot n’était donc pas de votre équipage ?

— Lui ! allons donc !… Il est monté sur le bateau quand nous avons passé à Blaye, et il m’a fait un tas de politesses en me donnant des cigares et en me payant à boire. Il se disait marin de Rochefort ; quand je voulais lui parler de manœuvres il ne paraissait pas me comprendre et prétendait que ça s’appelait autrement sur les navires de l’Océan… Bagasse ! j’acceptais ses politesses, parce que, voyez-vous, le matelot… Mais du diable si j’ai su ce qu’il me voulait !

— Je le sais, moi ; il voulait se faire de vous une compagnie afin de détourner certains soupçons, il voulait vous tirer des renseignements utiles, vous intéresser à sa défense en cas de besoin… Du moins je suppose que c’était là son but, car il n’est pas plus marin que moi.

— Vrai ? bagasse ! j’avais flairé la chose. Il vous avait des menottes que c’était une pitié… Mais alors, vous le connaissez, vous !

— Oui, et c’est précisément lui que je venais attendre à la descente du bateau. Il était bien déguisé et semblait s’être frotté la figure avec du jus de réglisse ; mais il ne m’a pas trompé longtemps ; et j’allais l’aborder quand une autre personne a détourné mon attention.

— Et il ne vaut pas cher, hein ! ce soi-disant Ponentais ? C’est quelque gueux fini, je gage ?

— C’est un misérable qui a commis plus d’un crime, et les gendarmes sont à ses trousses.