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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

— Je subirai la conséquence de mes actes, monsieur ; mais, si vous devez me frapper, je vous supplie de ne pas le faire sans m’avoir entendu.

Cette réponse à la Thémistocle parut être du goût des deux autres assistants, qui sourirent. Le directeur général lui-même ajouta d’un ton plus doux :

Eh bien ! parlez, monsieur. R*** assure que vous avez à nous donner des éclaircissements précieux sur cette déplorable affaire de Brandin et de Cransac. Je ne demande pas mieux que de trouver un motif d’indulgence dans vos explications.

En même temps il désigna un siége à quelques pas de lui. Fleuriot s’assit, et R***, qui s’était tenu à son côté jusque-là, lui glissa à l’oreille :

— Ne vous intimidez pas… parlez avec hardiesse et je réponds de tout. Puis il se retira modestement à l’extrémité de la salle.

Le pauvre employé parut d’abord éprouver un certain embarras à s’exprimer. Cependant il recommença son récit avec simplicité ; s’enhardissant peu à peu, il oublia bientôt où et devant qui il était. Quand il en vint à l’odieuse perfidie de Ducoudray, le directeur général, qui jusqu’à ce moment avait écouté en silence, parut ne pouvoir se contenir :

— Que dites-vous donc ? s’écria-t-il ; vous seriez l’auteur de ce nouveau système de télégraphic pour lequel j’ai comblé de faveurs M. Ducoudray ? Prenez garde, jeune homme, il faudra fournir la preuve de ce que vous avancez.

— Je la fournirai, monsieur, si je réussis dans l’entreprise que je poursuis en ce moment. Et je réussirai ou je mourrai à la peine !

— Vous ne m’échapperez pas par des faux-fuyants. Cette preuve devra être claire, positive, indubitable, pour que j’ajoute foi à votre accusation. Si vous mentez, je saurai vous en faire repentir ; si au contraire vous avez dit vrai,