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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

de reconnaitre que j’ai rempli d’une manière complète mes engagements envers vous.

— Heu ! heu ! répliqua le banquier évasivement ; mais où voulez-vous en venir, mon cher vicomte ?

— À ceci, monsieur Colman, que, depuis mon arrivée à Bordeaux, vous avez dû réaliser des bénéfices immenses. Grâce aux renseignements que je vous fournis, et dont vous n’ignorez pas l’origine, vous pouvez jouer sur les fonds publics avec la certitude absolue de gagner. La loterie de Paris, dont le tirage vous est annoncé d’avance, est pour vous une nouvelle source de profits. Enfin c’est par millions que l’on peut évaluer les sommes encaissées chez vous ces derniers temps.

— Par millions ! par millions ! Comme vous y allez, Cransac ! Des millions ne se gagnent pas ainsi.

— En tout cas, j’ai le droit de réclamer des comptes… Laissez-moi vous rappeler, monsieur, ce qui s’est passé entre nous : Seul j’ai eu l’idée de la combinaison ingenieuse… coupable, si vous voulez, qui a de si magnifiques résultats. Après m’être entendu avec un employé du télégraphe à la station de Paris, j’ai organisé le système de signaux au moyen duquel la hausse et la baisse de la Bourse, les numéros sortant de la loterie, me sont transmis sur-le-champ, et j’aurais pu seul exploiter ma découverte si cette exploitation, pour devenir sérieuse, n’eût exigé des capitaux considérables. Un homme d’affaires, pour lequel du reste nous n’avons ni l’un ni l’autre beaucoup d’estime, me mit en rapport direct avec vous. Souvenez-vous avec quelle chaleur vous accueillites mes premières ouvertures ! Vous me promites alors un quart dans les bénéfices bruts que l’affaire devait produire, et vous évaluiez vous-même ces bénéfices à un chiffre prestigieux. Par malheur, il n’y eut rien d’écrit entre nous, et toutes nos conventions furent verbales.