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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

Mais c’est l’hôtel de la préfecture ! s’écria Fleuriot intimidé.

Le directeur sourit et l’entraina sans lui donner le temps de se reconnaître. Ils franchirent un vestibule, montèrent un escalier monumental et entrèrent dans une antichambre où se tenaient plusieurs domestiques en livrée. M. R*** leur parla bas, et aussitôt l’un d’eux précéda les visiteurs pour les conduire. Comme on traversait un salon d’attente, le directeur dit à Fleuriot :

— Restez ici quelques minutes. Il importe que je prévienne d’abord ceux à qui je compte vous présenter.

L’employé fit un signe de tête et se laissa tomber dans un fauteuil, tandis que M. R*** et le domestique disparaissaient derrière une portière de velours.

Raymond n’était pas fâché de ce moment de répit. Après les agitations de la journée, il éprouvait le besoin de se recueillir, et il ne pouvait se défendre d’une certaine appréhension à la pensée de comparaître devant des hommes de haut rang.

Toutefois la pureté de sa conscience ne tarda pas à le tranquilliser ; il se dit qu’il n’avait à rougir ni de ses paroles ni de ses actes, et se promit de demeurer semblable à lui-même, dùt-on le conduire en présence du souverain en personne.

Comme il venait de prendre cette détermination, M. R*** rentra.

— Fleuriot, dit-il à voix basse, je peux vous apprendre maintenant qui vous allez voir ici… C’est M. le directeur général des télégraphes. Il est venu lui-même à Bordeaux présider l’enquête ouverte sur les manœuvres criminelles de Cransac et de Brandin.

— Le directeur général ! répéta Fleuriot, qui, malgré ses résolutions, fut saisi d’une crainte nouvelle ; est-il possible ? On le dit si rigide ! et puis il défend aux employés