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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

tentât encore de lui échapper. Fleuriot ne parut pas s’en apercevoir ; impatient de décharger son cœur d’un secret qui lui pesait, il exposa rapidement sa découverte télégraphique et le dol infâme dont il avait été victime de la part de l’inspecteur Ducoudray ; puis ses rapports avec Cransac et la soi-disant marquise, les moyens adroits par lesquels on l’avait amené à avouer l’existence du livre des signaux et à en faire l’essai ; enfin, la soustraction opérée dans la tour du télégraphe. Il termina par la relation de son voyage à la poursuite des spoliateurs, par sa rencontre avec Fanny Grangeret au village de Saint-Rémy et par les révélations arrachées à cette femme dans un premier moment de frayeur, relations qui l’avaient décidé, lui Fleuriot, à venir à Bordeaux.

M. R*** avait écouté avec autant d’intérêt que d’étonnement. Quand le récit fut achevé, il dit d’un ton de satisfaction :

— Vous êtes un garçon avisé et résolu, Fleuriot, et vos explications jettent un jour nouveau sur des faits très-embarrassants pour moi comme pour d’autres. Aussi sont-elles de la plus haute importance, et je vous prierai de les répéter devant des personnes que j’allais voir quand vous vous êtes trouvé sur mon chemin.

— Quelles sont ces personnes ? demanda Fleuriot, dont la défiance s’éveillait déjà.

— Vous le saurez plus tard… C’est un grand bonheur

que je vous aie rencontré, car la tâche que vous voulez remplir pourrait excéder vos forces et avoir pour vous les conséquences les plus funestes.

Pendant cette conversation, on avait traversé l’ancienne place Louis XVI, et on était entré dans la rue de l’Intendance, éclairée en ce moment de mille becs de gaz. Bientôt M. R*** fit halte devant un grand et bel édifice à la porte duquel un soldat était en faction.

— C’est ici, dit-il.