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III

Le banquier Colman.


Hector de Cransac ne se hâtait pas de profiter de l’invitation qu’il venait de recevoir, et examinait attentivement son associé à travers la fumée de son cigare. Avec sa subtilité de viveur parisien, il s’était cru autrefois de force à lutter contre l’épais Allemand, dont l’esprit ne semblait pas dépasser la compréhension de la hausse et de la baisse. Mais il se trouvait dans la position d’un bourgeois qui, ayant conclu un marché avec un paysan dont il dédaignait les lourdes ruses et l’habit grossier, s’aperçoit trop tard qu’il a été dupé. Aussi éprouvait-il certain embarras à aborder une explication dont il pressentait les difficultés contre un adversaire si habile et si pénétrant.

On eût dit que Colman lui-même avait conscience de ce qui se passait dans la tête du vicomte. Son sourire de niaise beatitude s’effaça peu à peu ; il fixa à son tour un regard ferme et plein d’audace sur Hector, comme pour lui porter un silencieux défi.

Le vicomte comprit enfin le ridicule de cette lutte du regard.

— Monsieur Colman, dit-il lentement et en pesant chacune de ses paroles, notre association est, je le sais, dans la situation la plus florissante, et vous me rendrez la justice