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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

l’hôtel, et étaient pendant le jour l’asile bruyant des moineaux du voisinage. L’inconnu, resserré dans un cercle de plus en plus étroit, venait de disparaître au milieu de cette espèce de bocage, et l’on entendait les voix de ceux qui le traquaient.

— Attention ! cria l’un d’eux, il grimpe sur le grand pin… Il s’agit de le déloger… Voyons, qui sait grimper aux arbres ?

Plusieurs personnes répondirent à cet appel, et pendant quelques minutes, tout redevint calme. Enfin, la voix que l’on avait entendue déjà, celle d’un chef sans doute, s’écria d’un ton alarmé :

— Prenez garde ! le voilà sur la crête du mur… Malheureux ! ajouta-t-on avec force, ne sautez pas !… vous allez vous tuer… Descendez plutôt, descendez ; on ne vous fera aucun mal, on veut seulement savoir qui vous êtes.

Mais sans doute l’inconnu ne tint aucun compte de cette invitation, car presque aussitôt des cris nombreux firent comprendre qu’il avait risqué le saut de la muraille.

— Il doit s’être brisé bras et jambes, reprit le chef. De sourdes clameurs, un bruit de pas précipités, s’élevèrent encore dans la ruelle voisine ; mais il ne sembla pas que la sinistre prévision se soit réalisé. Au bout d’un quart d’heure, pendant lequel Colman et Fanny avaient peu à peu repris courage, le chef des agents rentra, morne et l’oreille basse.

Il nous a échappé, monsieur, dit-il au juge ; il a eu la chance de franchir le mur sans se blesser, et c’est un vrai miracle. On l’a poursuivi dans la rue ; mais c’est un homme jeune et leste, à ce qu’il paraît, et on a perdu ses traces.

Le magistrat ne put retenir un geste de désappointement.

— Voyons, monsieur Colman, reprit-il, n’avez-vous aucune indication à me fournir sur cet individu suspect ?