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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

— Oui ; mais, dans sa situation, il ne peut guère élever la voix, et, en s’y prenant avec adresse… Eh bien ! je songerai à cela.

Fanny, transportée d’aise, remerciait avec chaleur, quand on frappa doucement. Le banquier cria « Entrez, » d’un ton d’impatience, et la porte s’entr’ouvrant laissa voir la figure rechignée de la portière.

— Que diable veux-tu, madame Bourachon ? s’écria Colman, je t’avais expressément défendu…

— Mille excuses, monsieur notre maître, répliqua la vieille avec confusion, mais il y a un monsieur qui veut absolument vous parler « pour affaire de la plus haute importance, comme il dit. Je le connais, car je l’ai vu ici plus d’une fois ; mais je ne sais pas son nom, et, quand je le lui ai demandé, il m’a répondu qu’il s’appelait… attendez donc… un drôle de nom tout de même… oui, il s’appelle « le châtelain de Puy-Néré. »

— C’est lui ! s’écria Fanny en tressaillant ; j’étais sûre qu’il viendrait.

— Eh bien ! mère Bourachon, reprit Colman, quelle tournure a cet homme ?

— Il est habillé comme un marin ; il était bien mieux vêtu autrefois.

— L’as-tu fait entrer ?

— Oui, car il se disait très-pressé ; mais il est resté dans la loge, sous la garde de mon époux.

« L’époux » en question était un vieux coquin fort brutal et toujours ivre.

— As-tu remarqué qu’il portât un léger paquet ?

— Je ne sais trop ; cependant il me semble qu’il cachait quelque chose sous son caban.

Colman regarda la jeune femme.

— Le livre ! dit-il à voix basse.

— Ou des armes, répliqua Fanny.

Il y eut un moment de silence.