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XVI

Le coup de foudre.


Nous devons revenir maintenant à l’élégant pavillon qui s’élevait au milieu des jardins du banquier Colman, à Bordeaux

C’était dans ce pavillon, on s’en souvient, que le Hambourgeois recevait, par une petite porte donnant sur une ruelle solitaire, les visites qu’il ne voulait ou n’osait recevoir dans son hôtel ; c’est là aussi que nous le retrouvons, le lendemain soir du jour où s’étaient passés au village de Saint-Rémy les événements connus du lecteur.

Colman avait toujours cette mise prétentieuse qui contrastait avec l’énorme rotondité de sa personne. Il était à demi couché sur un divan, sa pipe à la main, en face d’un guéridon qui supportait, outre une lampe munie de son abat-jour, un plateau chargé de verres et de bouteilles. À quelques pas de lui, dans la pénombre, se tenait debout une vieille femme, à menton barbu, à nez crochu, la tête surmontée d’une haute coiffe bordelaise, qui, d’un air moitié respectueux, moitié familier, recevait ses ordres.

— Ecoute-moi bien, madame Bourachon, disait le banquier en coupant chaque mot par une bouffée de fumée, il va venir ici tout à l’heure par la porte du jardin… la porte à toi… une femme voilée ou non, vêtue en grisette ou en