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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

— Je vous ai dit déjà, monsieur, que vous pouviez vous assurer du contraire… Voici, ajouta Fanny en désignant deux petites mallettes en cuir, mes bagages de voyageuse ; prenez ces clefs et voyez vous-même.

Raymond éprouva quelque honte de procéder à ces investigations humiliantes envers une femme ; mais il savait à quelle fourbe créature il avait affaire, et d’ailleurs un intérêt supérieur dominait ses scrupules. Il saisit donc les clefs qu’on lui tendait et ouvrit les deux petites malles. Il reconnut qu’elles contenaient seulement des effets et que son livre ne s’y trouvait pas. Cependant, après les avoir refermées, il continua ses recherches dans la chambre et jusque dans les meubles. Fanny observait tous ses mouvements d’un air moqueur. Le voyant convaincu de l’inutilité de ses perquisitions, elle se leva.

— Je vous sais gré, monsieur, dit-elle d’un petit ton impertinent, de ne pas demander à me fouiller… Mais vous pouvez reconnaitre que votre livre des signaux n’est pas sur moi.

Les ajustements de femme n’avaient pas alors les dimensions exagérées si en faveur aujourd’hui, et qui démontrent si énergiquement l’impuissance de la critique et du ridicule en matière de mode ; un regard suffisait pour reconnaître que Fanny ne pouvait cacher sous ses vêtements un ouvrage aussi volumineux que le livre des signaux. Toutefois elle tourna gracieusement sur elle-même, éleva les bras par un mouvement onduleux et coquet, tandis qu’un sourire fin, moqueur et provoquant effleurait ses lèvres roses. Ray mond se détourna brusquement.

— Il suffit, madame, dit-il ; et… adieu.

Comme il avait ouvert la porte, la servante d’auberge se glissa dans la chambre.

— Madame, dit-elle, les chevaux qu’on a retenus pour la voiture viennent d’arriver.

— Eh bien, qu’on attelle sur-le-champ.