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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

elle raconta en peu de mots comment Cransac s’était en tendu avec le banquier Colman pour s’emparer du livre de Fleuriot, et comment, selon toute apparence, le vicomte était en route pour aller toucher le prix du marché.

Raymond l’interrompit plusieurs fois par des questions brèves et griffonna des notes sur son carnet. Quand Fanny eut terminé ses aveux, il lui dit avec émotion :

— Ces faits sont assez odieux, assez révoltants pour être exacts, et il me semble que votre trouble actuel ne vous permettrait pas de les inventer… Vous n’avouez pas, il est vrai, votre part à vous dans ces infamies, mais je la devine, et d’ailleurs c’est seulement cet exécrable Cransac que je prétends rendre responsable de tout. Quant à vous, madame, je vous laisse à vos remords… si vous êtes capable d’en éprouver… Un dernier mot pourtant : êtes-vous sûre que le vicomte aille à Bordeaux ?

— J’ai lieu de le supposer, répliqua Fanny, qui, à peine remise de cette alerte, ne songeait pas encore à dissimuler sa pensée ; mais, comme il peut être exposé à bien des dangers dans cette ville, il n’y entrera, selon toute apparence, que déguisé et sous un faux nom. Sans doute aussi n’y restera-t-il que le temps de réaliser son marché avec Colman.

— C’est bien, répliqua Fleuriot.

Et il fit ses dispositions pour se retirer. Fanny, qui reprenait courage à mesure que le danger s’éloignait, dit d’un ton humble, mais déjà presque caressant :

— Quel est votre projet, monsieur Fleuriot ? Avez-vous aussi l’intention de vous rendre à Bordeaux ?

— Que vous importe ?

C’est que nous pourrions unir nos haines. J’ai moi même un vif désir de retrouver Cransac et de lui prouver…

— Assez, madame… Mais j’oubliais… Pourquoi ce livre, dont je vais poursuivre jusqu’à mon dernier souffle la restitution, ne serait-il pas caché ici ?