Page:Berthet — La tour du télégraphe, 1870.pdf/210

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
210
LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

— Sortirez-vous ? répéta Fleuriot.

Les deux femmes terrifiées s’enfuirent. Raymond referma la porte et en tira le verrou ; puis il revint vers Fanny, qui essaya de se soulever et dit en joignant les mains :

— Raymond… Monsieur Fleuriol, ne me tuez pas ! Qui parle de vous tuer, madame ? répliqua Fleuriot avec un profond dédain ; cette arme vous fait peur, ajouta-t-il en remettant son pistolet dans sa poche ; ce n’était pas contre vous que je comptais l’employer, et elle ne me sera pas nécessaire pour tirer de vous une terrible vengeance si vous ne répondez pas sincèrement à la question que je vous adresse : Où est mon livre des signaux ?

— Si artificieuse et hautaine que fût Fanny d’ordinaire, elle éprouvait en ce moment une terreur folle qui paralysait ses facultés et ne lui laissait même pas assez de présence d’esprit pour improviser un mensonge. Elle répliqua donc d’une voix éteinte :

— Votre livre !… M. de Cransac l’a emporté avec lui.

— Cela est-il bien vrai ? Je vous connais maintenant, mademoiselle Fanny Grangeret, et je sais combien peu un honnête homme doit se fier à vos paroles,

Fanny, en entendant son nom prononcé avec un indicible mépris, sentit redoubler sa confusion et ses alarmes.

— Je dis la vérité, murmura-t-elle avec effort ; et vous pouvez vous assurer par vous-même…

— Tout à l’heure… En attendant, vous allez répondre à une autre question : Dans quel but, vous et votre abominable complice, m’avez-vous volé mon livre des signaux ?

— Volé… le mot est bien dur, monsieur ; et en ce qui me regarde…

— Pardonnez-moi, ma belle Parisienne ; je suis un grossier campagnard, et j’appelle les choses par leur nom.

— Vous êtes injuste envers moi, monsieur Fleuriot, reprit Fanny, en versant, ressource suprême, d’abondantes larmes ; oui, injuste et ingrat, car si j’ai pu céder aux sug-