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LA TOUR DU TÉLÉGRAPHE

avait commandé impérieusement de le conduire aux maîtres de cette voiture. Comme la servante intimidée hésitait à obéir, il s’était mis en devoir de visiter lui-même la maison et avait gagné le premier étage réservé au logement des voyageurs. Il était arrivé ainsi à la pièce où se tenaient Fanny et la maîtresse d’hôtel.

Il avait le teint pâle, l’œil enflammé, une attitude sombre et menaçante. D’une main il tenait sa canne, de l’autre un pistolet.

L’hôtesse et Fanny poussèrent des cris d’effroi. Mais Fleuriot ne parut pas s’en inquiéter ; promenant autour de lui un regard rapide, il demanda froidement :

— Où est M. de Cransac ?

On ne répondit pas d’abord.

— C’est seulement à M. de Cransac que je désire avoir affaire… Où est-il ?

Et le regard ardent de Raymond se fixait sur Fanny qui tremblait de tous ses membres.

— Parti ! balbutia-t-elle enfin en se laissant tomber sur un siége ; il m’a abandonnée.

— Vous voulez me tromper encore ; mais la chose ne sera plus aussi facile !… Je veux voir sur=le-champ M. de Cransac.

Fanny ne put que répéter ce qu’elle avait dit déjà. Elle invoqua le témoignage de l’hôtesse et de la servante, qui attestèrent le départ du vicomte et donnèrent sur ce fait une foule de détails, dont il était difficile de révoquer en doute la sincérité. Raymond avait d’autant plus sujet de les croire qu’il était sûr maintenant d’avoir entendu la voix de son ennemi peu d’instants auparavant. Il demeura pensif ; puis, s’adressant à l’hôtesse et à la fille d’auberge, il reprit d’un ton ferme :

— Sortez… J’ai à causer avec madame.

Elles se tournèrent vers la voyageuse.

— Non, non, restez ! balbutia Fanny, il serait capable…